L’arrêt du tabac, le « gold standard » pour la survie des patients BPCO
Bertrand Dautzenberg, praticien hospitalier, professeur en pneumologie, vice-président du RESPADD, prend position quant à la responsabilité des professionnels de santé dans la prise en charge du tabagisme des patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).
L’une des 10 causes de mort prématurée dans le monde
La principale cause de BPCO est la fumée de tabac. Cette pathologie pulmonaire engage le pronostic vital des patients. Quoiqu’incurable, elle peut voir ses symptômes se stabiliser et la qualité de vie des patients s’améliorer, à l’issue d’un arrêt du tabac. On sait depuis la très célèbre British doctors study[1], – étude prospective menée entre 1951 et 2001 sur une cohorte de 34 440 médecins libéraux hommes -, que le tabac est la principale cause de décès par BPCO, avec un sur-risque de mourir de cette pathologie 40 à 60 fois plus élevé chez les fumeurs que chez les non-fumeurs. Les médecins femmes n’avaient pas été inclus dans l’échantillon du fait de la faible prévalence du cancer du poumon chez les femmes au moment de l’inclusion, en 1951. En 2013, une étude britannique de vaste ampleur publiée dans le Lancet[2] et réalisée auprès d’une cohorte d’1 million de femmes nées dans les années 40 allait dans le même sens et identifiait la BPCO comme l’une des causes de mortalité les plus fréquentes chez les femmes, avec 1 789 décès chez les femmes fumeuses contre 121 chez les femmes non fumeuses (risque relatif 35,3 IC = 95 % [29,2-42,5]). Ainsi la BPCO touche-t-elle autant les femmes que les hommes. Tout récemment, la Global burden of disease study 2016[3] caractérise la BPCO comme l’une des 10 principales causes de mortalité prématurée. L’OMS prévoit qu’elle deviendra, en 2030, la 3e cause de décès dans le monde.
Un arrêt du tabac obligatoire
Le sevrage tabagique constitue en toute logique, et de loin, le traitement le plus efficace et le moins coûteux de la BPCO pour les fumeurs. Il ralentit l’évolution de la maladie et diminue le nombre de décès. Ainsi il faut que le patient BPCO fumeur cesse totalement sa consommation de tabac. Il n’y a pas de demi-mesure. Et pour cela, il faut lui proposer un traitement de substitution adapté, suffisamment dosé pour que le manque de nicotine ne soit pas un frein à l’arrêt et ne compromette pas les chances de réussite du sevrage. Si le patient ressent encore l’envie de fumer en étant substitué, c’est un signe que la substitution est trop faible et qu’il convient d’augmenter les dosages jusqu’à ce que l’envie de fumer disparaisse. Il est important de bien avoir à l’esprit qu’il n’y a pas de risque de surdosage de nicotine chez le fumeur lorsqu’il fume avec un patch, bien au contraire, c’est là l’indicateur d’un sous-dosage. Pouvoir repérer ses signaux de sous-dosages suppose des consultations régulières. La première consultation qui consistera en l’explication des modalités du traitement et de la nécessité d’un sevrage total du tabac sera suivie d’une consultation 15 jours après pour évaluer l’adéquation du traitement de substitution et l’ajuster, le cas échéant. Ensuite, une consultation tous les mois jusqu’à 5 à 6 semaines après l’arrêt du tabac est ma recommandation. Puis, l’ajustement de la substitution vers une diminution progressive doit être réalisé pas à pas.
Des aides au sevrage ?
La cigarette électronique peut constituer un adjuvant pour accompagner vers l’arrêt des patients qui peinent à se défaire de ce réflexe socio-comportemental qui incite à fumer en compagnie des autres, comme un vecteur de sociabilité. Un accompagnement psychologique également peut intervenir en deuxième instance pour les 3 ou 4 cigarettes journalières résiduelles dont il serait trop difficile de se passer. Enfin la varénicline a fait ses preuves[4] et est remboursée par la sécurité sociale. Là encore, la finalité pour l’équipe médicale et le patient BPCO est l’arrêt total, sans compromis possible.
[1] “Mortality in relation to smoking: the British Doctors Study”, Maria Elisa Di Cicco et al., Breathe, septembre 2016, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5298160/,
[2] “The 21st century hazards of smoking and benefits of stopping: a prospective study of one million women in the UK”, Kirstin Pirie et al., The Lancet, Volume 381, No. 9861, p133–141, 12 janvier 2013 http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(12)61720-6/abstract
[3] “Global, regional, and national under-5 mortality, adult mortality, age-specific mortality, and life expectancy, 1970–2016: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2016”, The Lancet, Volume 390, No. 10100, p1084–1150, 16 September 2017
http://thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(17)31833-0/fulltext
[4] “Effects of varenicline on smoking cessation in patients with mild to moderate COPD: a randomized controlled trial”, Tashkin DP et al., Chest. Mars 2011;139(3):591-599. doi: 10.1378/chest.10-0865.